C’est un texte à l’humour féroce que les deux comédiens, Albert Dray et Antony Fons, prennent à bras-le-corps. La mise en scène d’Aurélien Schmitt nous entrainent dans une dystopie loufoque.
Un texte grinçant de Jean-Claude Carrière. Une confrontation qui part en sucette …
Un commissaire du gouvernement, chargé de la sécurité intérieure, fait subir un interrogatoire à un dénonciateur.
La conversation évoque les pires heures d’un régime totalitaire. Le délateur, fier de l’être, ne cache pas son plaisir de dénoncer. La pièce nous entraîne ainsi, de l’intérieur, dans la logique impitoyable et finalement absurde de l’activité « ordinaire » d’une dictature, jusqu’à l’extraordinaire retournement d’un processus prisonnier de ses propres mécanismes.
Dans cette société du soupçon permanent, les mots, les actes et les opinions sont tous a priori suspects. Les deux hommes pris au piège dans leurs propres filets se livrent un duel impitoyable. Jean-Claude Carrière nous offre un huis clos qui emporte le spectateur vers le comique absurde d’un « Brazil » de Terry Gilliam.
Note d’intention
Dans les univers dystopiques, les notions de bien et de mal sont généralement binaires : le citoyen qui subit le système et l’oppresseur qui en profite.
Dans Le Circuit Ordinaire, ce concept est balayé d’un revers de main. Le citoyen a trouvé une façon, à son niveau, de profiter du système mis en place tandis que l’oppresseur s’y retrouve piégé. En cassant ces codes, cela nous pousse à nous interroger sur nos propres actions. Qu’est-ce qui est juste et qui ne l’est pas ? Qu’est-ce que l’on ferait à la place de ces personnages ? La nature humaine est ici dévoilée avec nuances, on ne sait plus très bien qui est le « gentil » et qui est le « méchant », le rire jaune que nous procure certaines répliques nous font sortir de ce texte avec le goût amer que tout le monde a perdu dans cette histoire. Le système a gagné, il est devenu seul oppresseur.
C’est dans sa vision assez juste de l’évolution de notre société que Jean-Claude Carrière propose une pièce de théâtre intéressante à mes yeux. Avant même l’heure d’un internet complètement démocratisé, son système de dénonciation possède plusieurs similitudes à la justice publique que l’on retrouve sur nos réseaux sociaux aujourd’hui. Les questionnements que l’on se pose sont donc liés à ce que l’on peut retrouver dans notre quotidien, c’est donc à nous de tirer les enseignements nécessaires de cette pièce pour ne pas faire entrer le Circuit Ordinaire dans notre propre univers.
Aurélien Schmidt
Albert Dray : le rapporteur
Antony Fons : le commissaire
Aurélien Schmidt : metteur en scène
Dates
Novembre 2023 à Limoges
du 9 au 11 novembre 2023 – 20 h à l’ Espace Noriac, Limoges
Janvier et février 2024 au Jonchet (proche Bordeaux)
Dimanches 28 janvier et 25 février à 15 h 30. Théâtre du Jonchet